Clara est une personne fine et raffinée, quand elle ne se plonge pas littéralement dans son concept qu’est la Jalousie. On peut lui coller deux personnalités bien distinctes, appelez cela de la schizophrénie ou bien un brin de folie, la partie dominatrice, vile et abominable, la fille possessive et violente en noms d’oiseaux. Cette partie-là est la plus présente dans sa vie, elle utilise cette personnalité comme un bouclier pour se protéger du mal. Gare à ses griffes, car le premier être vivant, ou ce qu’il en reste, approche ses affaires, elle le lui fera regretter.

L’autre facette de sa personnalité, qui lui ressort le plus rarement, est un bout de douceur, de soumission et d’obéissance. Celle-là, c’est qu’à la maison, quand elle retire son bouclier à émotions, qu’elle arrange bien les choses à sa façon. On dirait presque une enfant dans cette phase. Elle garde toujours son côté possessif, envieux, mais il est bien moins intense que le reste du temps. C’est aussi au contact de personnes de confiance ou jugées acceptables qu’elle dévoile ce côté moins barbare et se rapproche plus de l’idée habituelle que l’on se fait d’une femme. Douce et innocente. Même s’il faut avouer qu’être violente et grossière c’est marrant de temps en temps.

Dans sa vie, Clara était une banale petite lycéenne, elle se pliait aux règles, travaillait comme les autres, rigolait sur les mêmes sujets que les autres. Elle était membre d’une bande de lycéens, le petit groupe qui se moquait des autres, aimée des professeurs. On peut dire que sa vie scolaire était agréable, longue et ennuyeuse, mais agréable. Tout bascula le jour où un membre du groupe avait été porté disparu, on avait retrouvé son corps dans un canal, c’était la télévision qui l’avait dit, sur la première chaîne d’info’ de France.

A partir de ce moment, tout dégringola. Ses notes, son moral, elle passa de troisième de la classe à dernière. Elle répondait aux profs, elle séchait les cours à tout va. Ses parents ne savaient plus quoi faire, quand on lui faisait la morale, elle s’en allait, elle fuguait pour que les policiers s’occupent d’elle pendant un petit jour. Les vacances étaient loin, la pression s’accumulait trop sur ses épaules.

Alors qu’elle finissait à dix-neuf heures, sur le chemin du retour, elle marchait lentement sous la pluie battante, une petite capuche en toile sur la tête, comme si ça allait changer grand-chose. Elle devait passer par un pont, petit pont de compagne que personne n’empruntait. Elle se hissa sur la barrière de sécurité, balançant les jambes dans le vide, lançant un regard vers l’eau toute agitée. Tout en se jetant en avant, la jeune fille hurla quelque chose comme « Sœurette, je te rejoins ! »

La vie l’avait déjà abandonnée, son corps tomba dans le canal pour se fracasser contre des rochers, déchiqueter ses vêtements en plus de sa peau. Le courant l’emporta plus loin, pour jeter sa carcasse sur une petite rive, elle sera surement découverte par les loups puis par les hommes. Paix à son âme.