Je hais le silence. Je déteste tout ce qui est mort. Mon dieu, si tu existes, dis moi pourquoi il n'y a jamais assez d'orages sur cette terre ? J'aime danser, j'aime chanter sous la pluie, j'aime onduler tel un brouillard, me déhancher dans la nuit. Mais toujours seule. Je ne veux pas que l'on m'observe. Pudisme, ou peur du jugement, je ne sais, après tout tout ça à bien peu d'importance puisque personne ne m'a encore jamais regardée. C'est comme si j'étais invisible. Comme si je n'avais pas ma place ici. Comme si moi, j'étais une intrue au milieu de ces corps sans vie. Et pourtant ils bougent, et pourtant ils avancent, mais leurs yeux on quelque chose qui, si je puis dire, me rappelle le silence. J'ai peur, toujours. Névrosée, va sans dire que tout va bien tant que je ne suis pas nécrosée. Après tout, c'est répugnant. J'ai vécu avant, et maintenant je sais que tout à changer. Je ne saurai dire quand, ni comment, mais je suis, tristement, et irrémédiablement morte. Je dois bien être la seule à m'en plaindre ici. Bref, passons, puisque c'est si peu important. Je suis attirée par toutes formes de sensations. En fait, je veux sentir, je veux ressentir, j'ai besoin par dessus tout de pouvoir souffrir, toucher, au risque de me blesser. En perpetuelle recherche de douceur, d'amertume, d'une putain d'acidité. C'est ce qui manque ici. Tout est beau, tout est trop beau. Je veux m'écorcher. Pour voir ce que ça fait, de mourir. Je suis sure, que la dernière seconde avant la mort est la plus intense de toutes. Est-ce qu'on peut crever une deuxième fois ici ?

Ce soir la peur ronge. Et je plonge, lentement et pourtant irrémédiablement vite dans mon sommeil peuplé de soupirs. Parce qu'ils soupirent. Sans pouvoir jamais se décharger du trop plein d'air encombrant leurs poumons encrassés par les regrets. Le chagrin est un poison. Le chagrin est une noyade. Le chagrin est une condamnation, le chagrin est ma pendaison. J'ai peur, comme une enfant. Le jour, la nuit, tout le temps. J'ai peur de définitivement me briser, je ne sais contre quoi. Je crois que ce soir mon cœur est ouvert. Avez-vous déjà imaginé à quel point cela pouvait être douloureux, un cœur coupé en deux ? C'est laid. Sanglant, aberrant, chimérique. C'est une plaie ouverte aux démons. J'ai peur ce soir. J'ai peur du noir. J'ai peur de m'endormir et de me réveiller, tout près de leurs soupirs. Parce qu'ils soupirent...

Sursaut. Eveil. Silence. Toujours ce silence. Il ronge chaque parcelle de l'être que je suis. C'est affreux. Et toujours dans mon esprit, ces yeux, ces yeux qui luisent avec cette certaine lueur d'or qui se consume. Ces yeux chimériques. Je les vois, et les verrai sans doute toute ma vie. Oh, papa, pourquoi tu es parti ? Ici il fait froid, je suis seule, comme abandonnée. Pourtant je suis allongée sous une couette, j'ai un toit sur ma tête, mais je ne peux m'empêcher de voir tout ce qui m'effraie. Cette sombre nuit semble s'éterniser un peu plus chaque soirs de ma vie, j'ai l'impression que je ne sortirai jamais de cette torpeur assassine. Des visions qui se succèdent, toujours, sans jamais s'arrêter que le temps d'une bien courte journée. Des noyades, des batailles, des entailles, de gros plans en détails sur des plaies infectées. Papa, j'ai bien peur que ce soir soit le dernier. En fait, j'en suis sure. Tu vois, je vais accrocher une corde à cette poutre Papa, je vais y glisser mon cou, sans pleurer, sans hésiter, et cette fois-ci je ne crierai pas. Je sais que tu es là-bas papa, je sais que tu n'es pas si loin de moi.

Je répetais ces paroles dans ma tête. Tout en finissant de graver sur ma peau la phrase, qui m'accompagnera dans ma mort. Dans une délicate calligraphie, étaient scarifiés sur mon dos, comme un tatouage blanc les mots.

Alors, ce soir, je mourrais.

"Ne crains plus les brûlures du soleil, ni la lumière, ni même les lueurs, car ici, il n'y en a pas."